GILLES FORAS

Rien n'est plus sot que l'art abstrait. Comme il n'y a jamais eu de chien abstrait, de pot de fleur abstrait ou de moulinette à légumes abstraite, toute peinture est concrète par nature. Gilles Foras aussi est terriblement concret. Mais c'est un lyrique. Autant dire qu'il cherche le mouvement des choses, des gens ou des sentiments.

Mais méfiez-vous. Car les peintures de Foras n'ont rien à faire de leur sujet, de leur verbe ou de leur complément. Le sens échappe de partout. Mais pas celui que vous croyez. Car ce mouvement qui tord, qui élève et qui ploie se règle sans calcul, sans dessin préalable. Par un échappement dont le gaz est souvent hilarant. Par une jubilation de la couleur, matrice de la forme. Le mal que vous y verrez est souvent un bien. La joie que vous y prendrez vient souvent d'une rage.

L'instinct de Lascaux, la vigueur électrique de la ville, le rouge éclat des plaies à vif, Foras en guette l'implacable mélange. « Mettre sa peau sur la table et regarder ce qu'il y a dedans », disait Céline ; Foras met la sienne sur la toile. C'est fou ce que l'organique le comble. Il cherche l'absolu véridique. Pourtant, chaque fois, il raconte une histoire. C'est un Artaud qui croirait au roman. A la fois halluciné et construit. Tout échappe et tout reste dans cette force-là. Ne croyez pas ce que vous voyez. Ne voyez pas ce que vous croyez. Jamais peinture n'a fait aussi pas la maligne. Les intentions de Foras n'existent pas. Sa formidable nécessité suffit. Dans la lumière ou dans l'ombre, les mythes le rattrapent toujours. Mais il ne le sait pas ... Et cette ignorance le sauve.

Jean-Jacques Bernard.

(France Inter)





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